Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 1.djvu/241

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gard de la vertu, il en faut prodigieusement dans une cour pour oser dire la vérité. L’homme vertueux est bien plus à son aise dans une république, il n’a personne à flatter.

Croyez-vous, dit l’homme d’Europe, que les loix & les religions soient faites pour les climats, de même qu’il faut des fourrures à Moscou, & des étoffes de gaze à Dély ? Oui, sans doute, dit le brame ; toutes les loix qui concernent la physique, sont calculées pour le méridien qu’on habite ; il ne faut qu’une femme à un Allemand, & il en faut trois ou quatre à un Persan.

Les rites de la religion sont de même nature. Comment voudriez-vous, si j’étais chrétien, que je disse la messe dans ma province, où il n’y a ni pain ni vin ? À l’égard des dogmes, c’est autre chose ; le climat n’y fait rien. Votre religion n’a-t-elle pas commencé en Asie, d’où elle a été chassée ; n’existe-t-elle pas vers la mer Baltique, où elle était inconnue ?

Dans quel État, sous quelle domination aimeriez-vous mieux vivre ? dit le conseiller. Partout ailleurs que chez moi, dit son compagnon ; & j’ai trouvé beaucoup de Siamois, de Tunquinois, de Persans, & de Turcs qui en disaient autant. Mais encor une fois, dit l’Européen, quel État choisiriez-vous ? Le brame répondit ; Celui où l’on n’obéit qu’aux loix. C’est une vieille réponse, dit le conseiller. Elle n’en est pas plus mauvaise, dit le brame. Où est ce