Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 1.djvu/264

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ton ame est aussi spirituelle, aussi pure, aussi immortelle que la nôtre ; mais notre ame est bien logée, & la tienne l’est mal ; les fenêtres de la maison sont bouchées pour elle ; l’air lui manque, elle étouffe. Le fou, dans ses bons moments, leur répondrait, Mes amis, vous supposez à votre ordinaire ce qui est en question, mes fenêtres sont aussi bien ouvertes que les vôtres, puisque je vois les mêmes objets, & que j’entends les mêmes paroles : il faut donc nécessairement que mon ame fasse un mauvais usage de ses sens, ou que mon ame ne soit elle-même qu’un sens vicié, une qualité dépravée. En un mot, ou mon ame est folie par elle-même, ou je n’ai point d’âme.

Un des docteurs pourra répondre : Mon confrère, Dieu a créé peut-être des ames folles, comme il a créé des ames sages. Le fou répliquera ; Si je croyais ce que vous me dites, je serais encor plus fou que je ne le suis. De grace, vous qui en savez tant, dites-moi pourquoi je suis fou ?

Si les docteurs ont encor un peu de sens, ils lui répondront, Je n’en sais rien. Ils ne comprendront pas pourquoi une cervelle a des idées incohérentes ; ils ne comprendront pas mieux pourquoi une autre cervelle a des idées régulières & suivies. Ils se croiront sages, & ils seront aussi fous que lui.