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Ils se sont assurément bien trompés sur le gouvernement Chinois ; ils n’avaient qu’à lire les édits des Empereurs de ce vaste pays, ils auraient vu que ces édits sont des sermons, & que partout il y est parlé de l’être suprême, gouverneur, vengeur, & rémunérateur.

Mais en même temps ils ne se sont pas moins trompés sur l’impossibilité d’une société d’Athées ; & je ne sçais comment Mr. Bayle a pû oublier un exemple frapant qui aurait pû rendre sa cause victorieuse.

En quoi une société d’Athées parait-elle impossible ? C’est qu’on juge que des hommes qui n’auraient pas de frein, ne pourraient jamais vivre ensemble, que les loix ne peuvent rien contre les crimes secrets, qu’il faut un Dieu vengeur qui punisse dans ce monde-ci ou dans l’autre les méchants échapés à la justice humaine.

Les loix de Moïse, il est vrai, n’enseignaient point une vie à venir, ne menaçaient point des châtimens après la mort, n’enseignaient point aux premiers Juifs l’immortalité de l’ame ; mais les Juifs, loin d’être Athées, loin de croire se soustraire à la vengeance divine, étaient les plus religieux de tous les hommes. Non seulement ils croyaient l’existence d’un Dieu éternel : mais ils le croyaient toujours présent parmi eux ; ils tremblaient d’être punis dans eux-mêmes, dans leurs femmes, dans leurs enfans, dans leur postérité, jusqu’à la quatriéme génération ; & ce frein était très-puissant.