Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 1.djvu/89

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Ce systême du tout est bien, ne représente l’auteur de toute la nature, que comme un roi puissant & mal-faisant, qui ne s’embarrasse pas qu’il en coute la vie à quatre ou cinq cent mille hommes, & que les autres traînent leurs jours dans la disette & dans les larmes, pourvû qu’il vienne à bout de ses desseins.

Loin donc que l’opinion du meilleur des mondes possibles console, elle est désespérante pour les philosophes qui l’embrassent. La question du bien & du mal, demeure un cahos indébrouillable pour ceux qui cherchent de bonne foi ; c’est un jeu d’esprit pour ceux qui disputent ; ils sont des forçats qui joüent avec leurs chaines. Pour le peuple non pensant, il ressemble assez à des poissons qu’on a transportés d’une rivière dans un réservoir ; ils ne se doutent pas qu’ils sont là pour être mangés le carême ; aussi ne sçavons-nous rien du tout par nous-mêmes des causes de notre destinée.

Mettons à la fin de presque tous les chapitres de métaphysique les deux lettres des juges Romains quand ils n’entendaient pas une cause, N. L. non liquet, Cela n’est pas clair.