Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 1.djvu/95

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vous pas certain, lui dis-je, que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits ? il me répond que non seulement il n’en est point certain, mais qu’il n’a pas même d’idée nette de cette proposition ; je la lui démontre, il en devient alors très-certain, & il le sera pour toute sa vie.

Voilà une certitude bien différente des autres ; elles n’étaient que des probabilités, & ces probabilités examinées sont devenues des erreurs, mais la certitude mathématique est immuable & éternelle.

J’existe, je pense, je sens de la douleur, tout cela est-il aussi certain qu’une vérité géométrique ? Oui. Pourquoi ? C’est que ces vérités sont prouvées par le même principe qu’une chose ne peut être, & n’être pas en même temps. Je ne peux en même temps exister & n’exister pas, sentir, & ne sentir pas. Un triangle ne peut en même temps avoir cent quatre-vingts degrés, qui sont la somme de deux angles droits, & ne les avoir pas.

La certitude physique de mon existence, de mon sentiment, & la certitude mathématique sont donc de même valeur, quoiqu’elles soient d’un genre différent.

Il n’en est pas de même de la certitude fondée sur les apparences, ou sur les rapports unanimes, que nous font les hommes.

Mais quoi, me dites-vous, n’êtes-vous pas certain que Pékin existe ? n’avez-vous pas chez vous des étoffes de Pékin ? des gens de diffé-