Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 2.djvu/82

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est à croire même qu’ils les mangent innocemment & sans le savoir, comme lorsque nous mangeons d’un fromage de Sassenage. La république des moutons est l’image fidèle de l’âge d’or.

Un poulailler est visiblement l’État monarchique le plus parfait. Il n’y a point de roi comparable à un coq. S’il marche fièrement au milieu de son peuple, ce n’est point par vanité. Si l’ennemi approche, il ne donne point d’ordre à ses sujets d’aller se faire tuer pour lui en vertu de sa certaine science & pleine puissance : il y va lui-même, range ses poules derrière lui & combat jusqu’à la mort. S’il est vainqueur, c’est lui qui chante le Te Deum. Dans la vie civile, il n’y a rien de si galant, de si honnête, de si désintéressé. Il a toutes les vertus. A-t-il dans son bec royal un grain de blé, un vermisseau, il le donne à la première de ses sujettes qui se présente. Enfin Salomon dans son sérail n’approchait pas d’un coq de basse-cour.

S’il est vrai que les abeilles soient gouvernées par une reine à qui tous ses sujets font l’amour, c’est un gouvernement plus parfait encor.

Les fourmis passent pour une excellente démocratie. Elle est au-dessus de tous les autres États ; puisque tout le monde y est égal, & que chaque particulier y travaille pour le bonheur de tous.

La république des castors est encor supérieure à