Page:Voltaire - Dictionnaire philosophique portatif, 6e édition, tome 2.djvu/84

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Alors l’aîné est le capitaine du château que des brigands assailliront tôt ou tard ; les cadets seront ses premiers officiers, les laboureurs ses soldats. Tout ce qui est à craindre, c’est que le cadet n’assassine ou n’empoisonne le seigneur salien son aîné, pour devenir à son tour le maître de la masure ; mais ces cas sont rares, parce que la nature a tellement combiné nos instincts & nos passions, que nous avons plus d’horreur d’assassiner notre frère aîné que nous n’avons d’envie d’avoir sa place. Or cette loi convenable à des possesseurs de donjons du temps de Chilperic, est détestable quand il s’agit de partager des rentes dans une ville.

À la honte des hommes, on sait que les loix du jeu sont les seules qui soient partout justes, claires, inviolables & exécutées. Pourquoi l’Indien qui a donné les règles du jeu d’échecs, est-il obéi de bon gré dans toute la terre, & que les décrétales des papes, par exemple, sont aujourd’hui un objet d’horreur & de mépris ? c’est que l’inventeur des échecs combina tout avec justesse pour la satisfaction des joueurs, & que les papes dans leurs décrétales, n’eurent en vue que leur seul avantage. L’Indien voulut exercer également l’esprit des hommes & leur donner du plaisir ; les papes ont voulu abrutir l’esprit des hommes. Aussi le fond du jeu des échecs a subsisté le même depuis cinq mille ans, il est commun à tous les habitans de la terre ; & les décrétales ne sont reconnues qu’à Spolette, à Orviette, à Lorette,