Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 1.djvu/124

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
Catéchisme Chinois.

et le brochet fut mangé par le roi & par ses satrapes, au grand contentement des théologiens des œufs, qui voyaient qu’on avait frit le dieu de leurs adversaires.

On envoya chercher aussitôt les docteurs du parti contraire : on leur montra un dieu de trois pieds qui avait des œufs & un croissant sur la queüe ; ils assurèrent que c’était là le dieu Oannès, & qu’il était laité ; il fut frit comme l’autre, & reconnu œuvé. Alors les deux partis étant également sots, & n’ayant pas déjeuné, le bon roi Daon leur dit qu’il n’avait que des brochets à leur donner pour leur dîner : ils en mangèrent goulûment, soit œuvés, soit laités. La guerre civile finit, chacun bénit le bon roi Daon ; & les citoyens depuis ce tems firent servir à leur dîner tant de brochets qu’ils voulurent.

Kou.

J’aime fort le roi Daon, & je promets bien de l’imiter à la première occasion qui s’offrira. J’empêcherai toûjours autant que je le pourrai (sans faire violence à personne) qu’on adore des Fo, & des brochets.

Je sais que dans le Pégu & dans le Tonquin il y a de petits dieux & de petits talapoins qui font descendre la lune dans le décours, & qui prédisent clairement l’avenir ; c’est-à-dire, qui voient clairement ce qui n’est pas, car l’avenir n’est point. J’empêcherai autant que je le pourrai que les talapoins ne viennent chez moi prendre le futur pour le présent & faire descendre la lune.