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Foi.

te sottise ? Je la crois par la foi. Mais ne sais-tu pas bien qu’un impuissant ne fait point d’enfans ? la foi consiste, repartit Pic, à croire les choses parce qu’elles sont impossibles ; & de plus l’honneur de votre maison exige que le fils de Lucrèce ne passe point pour être le fruit d’un inceste. Vous me faites croire des mystères plus incompréhensibles. Ne faut-il pas que je sois convaincu qu’un serpent a parlé, que depuis ce tems tous les hommes furent damnés, que l’ânesse de Balaam parla aussi fort éloquemment, & que les murs de Jérico tombèrent au son des trompettes ! Pic enfila tout de suite une kyrielle de toutes les choses admirables qu’il croyait. Alexandre tomba sur son sofa à force de rire. Je crois tout cela comme vous, disait-il, car je sens bien que je ne peux être sauvé que par la foi & que je ne le serai pas par mes œuvres. Ah ! St. Père, dit Pic, vous n’avez besoin ni d’œuvres ni de foi ; cela est bon pour de pauvres profanes comme nous, mais vous qui êtes Vice-Dieu, vous pouvez croire & faire tout ce qu’il vous plaira, vous avez les clefs du ciel ; & sans doute St. Pierre ne vous fermera pas la porte au nez. Mais pour moi, je vous avoue, que j’aurais besoin d’une puissante protection, si n’étant qu’un pauvre prince j’avais couché avec ma fille, & si je m’étais servi du stylet & de la Cantarella aussi souvent que votre sainteté. Alexandre VI. entendait raillerie. Parlons sérieusement, dit-il, au Prince de la Mirandole. Dites-moi quel mérite on peut avoir à dire à Dieu qu’on est