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Ame

mes, vint condamner ces trois sectes ; mais sans lui, nous n’aurions jamais pû rien connaître de notre ame, puisque les philosophes n’en ont jamais eu aucune idée déterminée, & que Moïse, seul vrai législateur du monde avant le nôtre, Moïse qui parlait à Dieu face à face a laissé les hommes dans une ignorance profonde sur ce grand article. Ce n’est donc que depuis dix-sept cents ans qu’on est certain de l’existence de l’ame, & de son immortalité.

Ciceron n’avait que des doutes ; son petit-fils & sa petite-fille purent apprendre la vérité des premiers Galiléens qui vinrent à Rome.

Mais avant ce tems-là, & depuis dans tout le reste de la terre où les apôtres ne pénétrèrent pas, chacun devait dire à son ame, Qui es-tu ? d’où viens-tu ? que fais-tu ? où vas-tu ? Tu es je ne sais quoi, pensant & sentant, & quand tu sentirais & penserais cent mille millions d’années tu n’en sauras jamais davantage par tes propres lumières, sans le secours d’un Dieu.

Ô homme ! ce Dieu t’a donné l’entendement pour te bien conduire, & non pour pénétrer dans l’essence des choses qu’il a créées.

C’est ainsi qu’a pensé Loke, & avant Loke Gassendi, & avant Gassendi une foule de sages ; mais nous avons des bacheliers qui savent tout ce que ces grands-hommes ignoraient.

De cruels ennemis de la raison ont osé s’élever contre ces vérités reconnues par tous les sages. Ils ont porté la mauvaise foi & l’impudence jusqu’à imputer aux auteurs de cet ou-