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Idole, Idolâtre, Idolâtrie.

les Grecs divinisaient les conquérants, comme Bacchus, Hercule, Persée. Rome dressa des autels à ses empereurs. Nos apothéoses sont d’un genre différent. Nous avons des Saints au lieu de leurs demi-Dieux, de leurs Dieux secondaires ; mais nous n’avons égard ni au rang, ni aux conquêtes. Nous avons élevé des temples à des hommes simplement vertueux, qui seraient la plupart ignorés sur la terre, s’ils n’étaient placés dans le ciel. Les apothéoses des anciens sont faites par la flatterie, les nôtres par le respect pour la vertu. Mais ces anciennes apothéoses sont encor une preuve convaincante que les Grecs & les Romains n’étaient point proprement idolâtres. Il est clair qu’ils n’admettaient pas plus une vertu divine dans la statue d’Auguste & de Claudius, que dans leurs médailles.

Cicéron dans ses ouvrages philosophiques ne laisse pas soupçonner seulement qu’on puisse se méprendre aux statues des Dieux & les confondre avec les Dieux mêmes. Ses interlocuteurs foudroient la religion établie, mais aucun d’eux n’imagine d’accuser les Romains de prendre du marbre & de l’airain pour des divinités. Lucrèce ne reproche cette sottise à personne, lui qui reproche tout aux superstitieux. Donc, encor une fois, cette opinion n’existait pas, on n’en avait aucune idée. Il n’y avait point d’idolâtre.

Horace fait parler une statue de Priape ; il lui fait dire, J’étais autrefois un tronc de figuier ; un charpentier ne sachant s’il ferait de moi un dieu ou un banc, se détermina enfin à me faire