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Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 1.djvu/37

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Amour

mais ne sois point jaloux, & songe aux avantages de l’espèce humaine ; ils compensent en amour tous ceux que la nature a donnés aux animaux, force, beauté, légèreté, rapidité.

Il y a même des animaux qui ne connaissent point la jouïssance. Les poissons écaillés sont privés de cette douceur ; la femelle jette sur la vase des millions d’œufs ; le mâle qui les rencontre, passe sur eux & les féconde par sa semence, sans se mettre en peine à quelle femelle ils appartiennent.

La plûpart des animaux qui s’accouplent ne goûtent de plaisir que par un seul sens, & dès que cet appétit est satisfait, tout est éteint. Aucun animal, hors toi, ne connaît les embrassemens ; tout ton corps est sensible ; tes lèvres surtout jouïssent d’une volupté que rien ne lasse, & ce plaisir n’appartient qu’à ton espèce ; enfin, tu peux dans tous les tems te livrer à l’amour, & les animaux n’ont qu’un tems marqué. Si tu réfléchis sur ces prééminences, tu diras avec le comte de Rochester, L’amour dans un pays d’athées, ferait adorer la Divinité.

Comme les hommes ont reçu le don de perfectionner tout ce que la nature leur accorde, ils ont perfectionné l’amour. La propreté, le soin de soi-même, en rendant la peau plus délicate, augmente le plaisir du tact, & l’attention sur sa santé rend les organes de la volupté plus sensibles.

Tous les autres sentimens entrent ensuite dans celui de l’amour, comme des métaux qui