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Philosophe.

annoncé des vérités plus utiles au genre humain.

Une foule de philosophes Grecs enseigna depuis une morale aussi pure. S’ils s’étaient bornés à leurs vains systêmes de physique, on ne prononcerait aujourd’hui leur nom que pour se moquer d’eux. Si on les respecte encor, c’est qu’ils furent justes, & qu’ils apprirent aux hommes à l’être.

On ne peut lire certains endroits de Platon, & surtout l’admirable exorde des loix de Zaleucus, sans éprouver dans son cœur l’amour des actions honnêtes & généreuses. Les Romains ont leur Cicéron, qui seul vaut peut-être tous les philosophes de la Grèce. Après lui viennent des hommes encor plus respectables, mais qu’on désespère presque d’imiter, c’est Épictète dans l’esclavage, ce sont les Antonins & les Juliens sur le trône.

Quel est le citoyen parmi nous qui se priverait, comme Julien, Antonin, & Marc-Aurèle, de toutes les délicatesses de notre vie molle & efféminée ? qui dormirait comme eux sur la dure ? qui voudrait s’imposer leur frugalité ? qui marcherait comme eux à pied & tête nus à la tête des armées, exposé tantôt à l’ardeur du soleil, tantôt aux frimas ? qui commanderait comme eux à toutes ses passions ? Il y a parmi nous des dévots ; mais où sont les sages ? où sont les ames inébranlables, justes & tolérantes ?

Il y a eu des philosophes de cabinet en France, & tous, excepté Montagne, ont été persécutés. C’est, ce me semble, le dernier degré