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Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 2.djvu/116

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Pierre.

Apparemment que Corringius n’était pas en pays d’inquisition, quand il faisait ces questions hardies. Érasme, à propos de Pierre, remarquait une chose fort singulière ; c’est que le chef de la Religion Chrétienne commença son apostolat par renier Jésus-Christ ; & que le premier pontife des Juifs avait commencé son ministère par faire un veau d’or, & par l’adorer.

Quoi qu’il en soit, Pierre nous est dépeint comme un pauvre qui catéchisait des pauvres. Il ressemble à ces fondateurs d’ordres, qui vivaient dans l’indigence, & dont les successeurs sont devenus grands seigneurs.

Le Pape successeur de Pierre a tantôt gagné, tantôt perdu ; mais il lui reste encor environ cinquante millions d’hommes sur la terre, soumis en plusieurs points à ses loix, outre ses sujets immédiats.

Se donner un maître à trois ou quatre cents lieuës de chez soi ; attendre pour penser que cet homme ait paru penser ; n’oser juger en dernier ressort un procès entre quelques-uns de ses concitoyens, que par des commissaires nommés par cet étranger ; n’oser se mettre en possession des champs & des vignes qu’on a obtenus de son propre Roi, sans payer une somme considérable à ce maître étranger ; violer les loix de son pays qui défendent d’épouser sa nièce, & l’épouser légitimement en donnant à ce maître étranger une somme encor plus considérable ; n’oser cultiver son champ le jour que cet étranger veut qu’on célèbre la mémoire d’un