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Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 2.djvu/158

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Salomon.

trouve en deux ou trois endroits, parce qu’on fait dire à l’amante, qu’elle est belle comme les peaux de Salomon, parce que l’amante dit qu’elle est noire, & qu’on a cru que Salomon désignait par là sa femme Égyptienne.

Ces trois raisons sont également ridicules :

1.o Quand l’amante, en parlant à son amant, dit : le Roi m’a menée dans ses celliers, elle parle visiblement d’un autre que de son amant : donc le Roi n’est pas cet amant : c’est le Roi du festin, c’est le paranimphe, c’est le maître de la maison qu’elle entend : & cette Juive est si loin d’être la maîtresse d’un Roi, que dans tout le cours de l’ouvrage c’est une bergère, une fille des champs qui va chercher son amant à la campagne & dans les ruës de la ville, & qui est arrêtée aux portes par les gardes qui lui volent sa robe.

2.o Je suis belle comme les peaux de Salomon, est l’expression d’une villageoise qui dirait, Je suis belle comme les tapisseries du Roi : & c’est précisément parce que le nom de Salomon se trouve dans cet ouvrage qu’il ne saurait être de lui. Quel monarque ferait une comparaison si ridicule ? Voyez, dit l’amante au 3e chapitre, voyez le roi Salomon avec le diadème dont sa mère l’a couronné au jour de son mariage. Qui ne reconnaît à ces expressions la comparaison ordinaire que font les filles du peuple en parlant de leurs amans ? Elles disent : il est beau comme un prince, il a un air de Roi, &c.

3.o Il est vrai que cette bergère qu’on fait parler dans ce Cantique amoureux, dit qu’elle