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Secte.

monde, car Tarquin le superbe acheta trois de leurs livres cent écus d’une vieille. Quel incrédule, ajoute le secrétaire, osera nier tous ces faits évidents qui se sont passés dans un coin à la face de toute la terre ? Qui pourra nier l’accomplissement de leurs prophéties ? Virgile lui-même n’a-t-il pas cité les prédictions des sibylles ? Si nous n’avons pas les premiers exemplaires des livres sibyllins, écrits dans un tems où l’on ne savait ni lire ni écrire, n’en avons-nous pas des copies authentiques ? Il faut que l’impiété se taise devant ces preuves. Ainsi parlait Houtevillus à Séjan. Il espérait avoir une place d’augure qui lui vaudrait cinquante mille livres de rente, & il n’eut rien.

Ce que ma secte enseigne est obscur, je l’avoue, dit un fanatique : & c’est en vertu de cette obscurité qu’il faut la croire ; car elle dit elle-même qu’elle est pleine d’obscurités. Ma secte est extravagante, donc elle est divine ; car comment ce qui paraît si fou aurait-il été embrassé par tant de peuples s’il n’y avait pas du divin ? C’est précisément comme l’Alcoran que les Sonnites disent avoir un visage d’ange & un visage de bête ; ne soyez pas scandalisés du mufle de la bête, & révérez la face de l’ange. Ainsi parle cet insensé ; mais un fanatique d’une autre secte répond à ce fanatique, C’est toi qui es la bête, & c’est moi qui suis l’ange.

Or, qui jugera ce procès ? Qui décidera entre ces deux énergumènes ? L’homme raisonnable, impartial, savant d’une science qui n’est