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Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 2.djvu/170

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Sensation.

Il se peut que dans d’autres globes on ait des sens dont nous n’avons pas d’idée : il se peut que le nombre des sens augmente de globe en globe, & que l’être qui a des sens innombrables & parfaits soit le terme de tous les êtres.

Mais nous autres avec nos cinq organes quel est notre pouvoir ? Nous sentons toûjours malgré nous, & jamais parce que nous le voulons ; il nous est impossible de ne pas avoir la sensation que notre nature nous destine, quand l’objet nous frappe. Le sentiment est dans nous ; mais il ne peut en dépendre. Nous le recevons, & comment le recevons-nous ? On sait assez qu’il n’y a aucun rapport entre l’air battu, & des paroles qu’on me chante, & l’impression que ces paroles font dans mon cerveau.

Nous sommes étonnés de la pensée ; mais le sentiment est tout aussi merveilleux. Un pouvoir divin éclate dans la sensation du dernier des insectes comme dans le cerveau de Newton. Cependant, que mille animaux meurent sous vos yeux, vous n’êtes point inquiets de ce que deviendra leur faculté de sentir, quoique cette faculté soit l’ouvrage de l’Être des êtres ; vous les regardez comme des machines de la nature nées pour périr & pour faire place à d’autres.

Pourquoi & comment leur sensation subsisterait-elle, quand ils n’existent plus ? Quel besoin l’auteur de tout ce qui est, aurait-il de conserver des propriétés dont le sujet est détruit ? Il vaudrait autant dire que le pouvoir de la plante nommée sensitive, de retirer ses feuilles vers