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Superstition.

s’établir médiateur entre le Ciel & vous ? Quelles patentes a-t-il reçues de Dieu ? Il reçoit de l’argent de vous pour marmotter des paroles, & vous pensez que l’Être des êtres ratifie les paroles de ce charlatan ?

Il y a des superstitions innocentes : vous dansez les jours de fête en l’honneur de Diane ou de Pomone ; ou de quelqu’un de ces dieux secondaires dont votre calendrier est rempli : à la bonne heure. La danse est très agréable, elle est utile au corps, elle réjouit l’ame ; elle ne fait de mal à personne ; mais n’allez pas croire que Pomone & Vertumne vous sachent beaucoup de gré d’avoir sauté en leur honneur, & qu’ils vous punissent d’y avoir manqué. Il n’y a d’autre Pomone ni d’autre Vertumne, que la bêche & le hoyau du jardinier. Ne soyez pas assez imbéciles pour croire que votre jardin sera grêlé si vous avez manqué de danser la pirrique ou la cordace.

Il y a peut-être une superstition pardonnable & même encourageante à la vertu ; c’est celle de placer parmi les dieux les grands hommes qui ont été les bienfaiteurs du genre humain. Il serait mieux sans doute, de s’en tenir à les regarder simplement comme des hommes vénérables ; & surtout de tâcher de les imiter. Vénérez sans culte, un Solon, un Thales, un Pythagore, mais n’adorez pas un Hercule pour avoir nettoyé les écuries d’Augias, & pour avoir couché avec cinquante filles dans une nuit.

Gardez-vous surtout d’établir un culte pour des gredins qui n’ont eu d’autre mérite que l’i-