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Miracles.

changée en un superbe temple ; la tête d’Orphée rendait des oracles après sa mort ; les murailles de Thèbes se construisirent d’elles-mêmes au son de la flûte, en présence des Grecs ; les guérisons faites dans le temple d’Esculape, étaient innombrables ; & nous avons encor des monumens chargés du nom des témoins oculaires des miracles d’Esculape.

Nommez-moi un peuple, chez lequel il ne se soit pas opéré des prodiges incroyables, surtout dans des tems où l’on savait à peine lire & écrire.

Les philosophes ne répondent à ces objections qu’en riant & en levant les épaules ; mais les philosophes chrétiens disent ; Nous croyons aux miracles opérés dans notre sainte religion ; nous les croyons par la foi, & non par notre raison que nous nous gardons bien d’écouter ; car lorsque la foi parle, on sait assez que la raison ne doit pas dire un seul mot ; nous avons une croyance ferme & entière dans les miracles de Jésus-Christ, & des apôtres ; mais permettez-nous de douter un peu de plusieurs autres ; souffrez, par exemple, que nous suspendions notre jugement sur ce que rapporte un homme simple auquel on a donné le nom de grand. Il assure qu’un petit moine était si fort accoutumé à faire des miracles, que le prieur lui défendit enfin d’exercer son talent. Le petit moine obéït ; mais ayant vu un pauvre couvreur qui tombait du haut d’un toit, il balança entre le désir de lui sauver la vie, & la sainte obédience. Il ordonna seulement au couvreur