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Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 2.djvu/97

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Patrie.

Il reste dans notre Europe huit Républiques sans Monarques, Venise, la Hollande, la Suisse, Gênes, Luques, Raguse, Genève & St. Marin. On peut regarder la Pologne, la Suède, l’Angleterre, comme des républiques sous un Roi, mais la Pologne est la seule qui en prenne le nom.

Or, maintenant, lequel vaut le mieux que votre patrie soit un État monarchique, ou un État républicain ? il y a quatre mille ans qu’on agite cette question. Demandez la solution aux riches, ils aiment tous mieux l’aristocratie : interrogez le peuple, il veut la démocratie ; il n’y a que les Rois qui préfèrent la royauté. Comment donc est-il possible que presque toute la terre soit gouvernée par des Monarques ? demandez-le aux rats qui proposèrent de pendre une sonnette au cou du chat. Mais en vérité, la véritable raison est, comme on l’a dit, que les hommes sont très rarement dignes de se gouverner eux-mêmes.

Il est triste que souvent pour être bon patriote on soit l’ennemi du reste des hommes. L’ancien Caton, ce bon citoyen, disait toûjours en opinant au sénat, Tel est mon avis, & qu’on ruine Carthage. Être bon patriote, c’est souhaiter que sa ville s’enrichisse par le commerce, & soit puissante par les armes. Il est clair qu’un pays ne peut gagner sans qu’un autre perde, & qu’il ne peut vaincre sans faire des malheureux.

Telle est donc la condition humaine, que souhaiter la grandeur de son pays c’est souhaiter