Page:Voltaire - La Raison par alphabet, 6e édition, Cramer, 1769, tome 1.djvu/243

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
237
Des Délits locaux.

DES DÉLITS LOCAUX.



Parcourez toute la terre, vous trouverez que le vol, le meurtre, l’adultère, la calomnie sont regardés comme des délits que la société condamne & réprime ; mais ce qui est approuvé en Angleterre, & condamné en Italie, doit-il être puni en Italie comme un de ces attentats contre l’humanité entière ? c’est là ce que j’appelle délit local. Ce qui n’est criminel que dans l’enceinte de quelques montagnes ou entre deux rivières n’exige-t-il pas des juges plus d’indulgence que ces attentats qui sont en horreur à toutes les contrées ? Le juge ne doit-il pas se dire à lui-même : je n’oserais punir à Raguse ce que je punis à Lorette. Cette réflexion ne doit-elle pas adoucir dans son cœur cette dureté qu’il n’est que trop aisé de contracter dans le long exercice de son emploi ?

On connaît les Kermesses de la Flandre ; elles étaient portées dans le siècle passé jusqu’à une indécence qui pouvait révolter des yeux inaccoutumés à ces spectacles.

Voici comme l’on célébrait la fête de Noël dans quelques villes. D’abord paraissait un jeune homme à moitié nu avec des ailes au dos, il récitait l’ave Maria à une jeune fille qui lui répondait fiat, & l’ange la baisait sur la bouche, ensuite un enfant enfermé dans un grand coq de carton criait en imitant le chant du coq : puer natus est nobis. Un gros bœuf en mugissant disait