Page:Voltaire - Lettres philosophiques, t. 1, éd. Lanson, 1915.djvu/149

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12. L’anecdote introduite en 1739 (cf. notes critiques, l. 47) est très suspecte. Cependant Voltaire y croyait puisqu’il l’impliquait sans la conter dans sa rédaction de 1734 : ce n’est donc pas le désir de débiter une anecdote piquante qui à cette date lui faisait écrire que les idées de Clarke sur la Trinité lui avaient fait manquer l’archevêché de Cantorbéry. Je n’ai trouvé le fait nulle part. Le Dict. of Nat. Biogr. le donne, mais sans autre référence que Voltaire. Il y a de grandes difficultés dans le récit de l’éd. de 1739. L’archevêque Tenison succéda à Tillotson en décembre 1694-janvier 1695, donc sous Guillaume III : son seul concurrent fut Stillingfleet. Il mourut le 14 décembre 1715, et fut remplacé par le Dr. Wake. Donc le siège de Cantorbéry ne fut pas vacant sous la reine Anne. Est-ce de cette nomination de 1715, que Voltaire veut parler ? Gibson avait peut-être intérêt à écarter les concurrents du Dr Wake, qui, en passant à Cantorbéry, laissa vacant l’évêché de Lincoln où Gibson fut en effet promu. Mais je ne trouve trace d’aucune manœuvre de Gibson contre Clarke à aucun moment. Il fut à coup sûr très animé contre les déistes et libres penseurs, et très en crédit auprès de Robert Walpole qui le consultait sur les affaires ecclésiastiques : « Gibson’s influence was sufficient to prevent the consecration of Bundle to the see of Gloucester, as he was believed to hold deistical opinions » (Dict. of Nat. biogr., art. Gibson). Le fait est de 1734, donc postérieur à la première rédaction des Lettres anglaises, mais antérieur au récit qui met Gibson en cause. Est-ce ce fait qui fut raconté à Voltaire et devint l’origine du développement de 1739 ? En tout cas il était bien informé en choisissant Gibson comme le type de l’orthodoxie intolérante. Il semble, d’autre part, que Clarke ait refusé d’être évêque : en 1727 la reine Caroline (et non la reine Anne) désirait son élévation, et Walpole essaya, à sa prière, de décider Clarke ; il ne voulut pas (Coxe, Memoirs of the life… of Robert Walpole, t. I, p. 275-276). Enfin voici une anecdote qui, par le tour, est identique à celle que conte Voltaire : « La reine Anne lui destinait (à Swift) un évêché en Angleterre et c’était là l’objet de son ambition ; mais le docteur Sharp, archevêque d’York, le dépeignit à cette princesse comme un homme qui