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Traité ſur la Tolérance, Chap. XII.

tion qu’on ait célébré la fête des Tabernacles, nulle Prière publique établie ; enfin la Circonciſion ce ſceau de l’alliance de Dieu avec Abraham, ne fut point pratiquée.

    L’humanité, la bonté de cœur qui les trompe, les empêche de croire que Moïſe ait fait égorger vingt-trois mille perſonnes pour expier ce péché : ils n’imaginent pas que vingt-trois mille hommes ſe ſoient ainſi laiſſés maſſacrer par des Lévites, à moins d’un troiſième miracle. Enfin, ils trouvent étrange qu’Aaron, le plus coupable de tous, ait été récompenſé du crime dont les autres étaient ſi horriblement punis, & qu’il ait été fait grand Prêtre, tandis que les cadavres de vingt-trois mille de ſes frères ſanglants, étaient entaſſés au pied de l’Autel où il allait ſacrifier.

    Ils font les mêmes difficultés ſur les vingt-quatre mille Iſraélites maſſacrés par l’ordre de Moïſe, pour expier la faute d’un ſeul qu’on avait ſurpris avec une fille Moabite. On voit tant de Rois Juifs, & ſur-tout Salomon, épouſer impunément des étrangères, que ces critiques ne peuvent admettre que l’alliance d’une Moabite ait été un ſi grand crime : Ruth était Moabite, quoique ſa famille fût originaire de Bethléem ; la ſainte Ecriture l’appelle toujours Ruth la Moabite : cependant elle alla ſe mettre dans le lit de Booz par le conſeil de ſa mère, elle en reçut ſix boiſſeaux d’orge, l’épouſa enſuite, & fut l’aïeule de David. Raab était non-ſeulement étrangère, mais une femme publique ; la Vulgate ne lui donne d’autre titre que celui de meretrix ; elle épouſa Salomon, Prince de Juda ; & c’eſt encore de ce Salomon que David deſcend. On regarde même Raab comme la figure de l’Égliſe Chrétienne ; c’eſt le ſentiment de pluſieurs Pères, & ſur-tout d’Origene dans ſa 7e homélie ſur Joſué.