tous trois enſeigner le Chriſtianiſme dans notre Empire ? & ne devez-vous pas par conſéquent avoir les mêmes dogmes ?
Vous voyez, Monſeigneur, dit le Jéſuite : ces deux gens-ci ſont ennemis mortels, & diſputent tous deux contre moi ; il eſt donc évident qu’ils ont tous les deux tort, & que la raiſon n’eſt que de mon côté. Cela n’eſt pas ſi évident, dit le Mandarin : il ſe pourrait faire à toute force que vous euſſiez tort tous trois ; je ſerais curieux de vous entendre l’un après l’autre.
Le Jéſuite fit alors un aſſez long diſcours, pendant lequel le Danois et le Hollandais levaient les épaules ; le Mandarin n’y comprit rien. Le Danois parla à ſon tour ; ſes deux Adverſaires le regardèrent en pitié, & le Mandarin n’y comprit pas davantage. Le Hollandais eut le même ſort. Enfin, ils parlèrent tous trois enſemble, ils ſe dirent de groſſes injures. L’honnête Mandarin eut bien de la peine à mettre le holà, & leur dit : Si vous voulez qu’on tolère ici votre Doctrine, commencez par n’être ni intolérants ni intolérables.
Au ſortir de l’audience, le Jéſuite rencontra un Miſſionnaire Jacobin ; il lui apprit qu’il avait gagné ſa cauſe, l’aſſurant que la vérité triomphait toujours. Le Jacobin lui dit : Si j’avais été là, vous ne l’auriez pas gagnée ; je vous aurais convaincu de menſonge