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Traité ſur la Tolérance. Chap. XXV.

bonté du Roi, de la ſageſſe de ſes Miniſtres, & de l’eſprit de raiſon qui commence à répandre par-tout ſa lumière.

La nature dit à tous les hommes : Je vous ai tous fait naître faibles & ignorants, pour végéter quelques minutes ſur la terre & pour l’engraiſſer de vos cadavres. Puiſque vous êtes faibles, ſecourez-vous ; puiſque vous êtes ignorants, éclairez-vous & ſupportez-vous. Quand vous ſeriez tous du même avis, ce qui certainement n’arrivera jamais, quand il n’y aurait qu’un ſeul homme d’un avis contraire, vous devriez lui pardonner ; car c’eſt moi qui le fais penſer comme il penſe. Je vous ai donné des bras pour cultiver la terre, & une petite lueur de raiſon pour vous conduire : j’ai mis dans vos cœurs un germe de compaſſion pour vous aider les uns les autres à ſupporter la vie. N’étouffez pas ce germe ; ne le corrompez pas ; apprenez qu’il eſt divin, & ne ſubſtituez pas les miſérables fureurs de l’école à la voix de la nature.

C’eſt moi ſeule qui vous unis encore malgré vous par vos beſoins mutuels, au milieu même de vos guerres cruelles ſi légèrement entrepriſes, théâtre éternel des fautes, des haſards & des malheurs. C’eſt moi ſeule qui dans une Nation arrête les ſuites funeſtes de la diviſion interminable entre la Nobleſſe & la Magiſtrature, entre ces deux Corps & celui du Cler-