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Traité ſur la Tolérance. Chap. I.

Bordeaux pour étrangler ſon ami, dont il ignorait la converſion prétendue ? Comment une mère tendre aurait-elle mis les mains ſur ſon fils ? Comment tous enſemble auraient-ils pu étrangler un jeune-homme auſſi robuſte qu’eux tous, ſans un combat long & violent, ſans des cris affreux qui auraient appellé tout le voiſinage, ſans des coups réitérés, ſans des meurtriſſures, ſans des habits déchirés ?

Il était évident que ſi le parricide avait pu être commis, tous les accuſés étaient également coupables, parce qu’ils ne s’étaient pas quittés d’un moment ; il était évident qu’ils ne l’étaient pas ; il était évident que le père ſeul ne pouvait l’être ; & cependant l’arrêt condamna ce père ſeul à expirer ſur la roue.

Le motif de l’arrêt était auſſi inconcevable que tout le reſte. Les Juges qui étaient décidés pour le ſupplice de Jean Calas, perſuadèrent aux autres que ce vieillard faible ne pourrait réſiſter aux tourments, & qu’il avouerait ſous les coups des bourreaux ſon crime & celui de ſes complices. Ils furent confondus, quand ce vieillard, en mourant ſur la roue, prit Dieu à témoin de ſon innocence, & le conjura de pardonner à ſes Juges.

Ils furent obligés de rendre un ſecond arrêt contradictoire avec le premier, d’élargir la mère, ſon fils Pierre, le jeune Lavaiſſe & la ſervante : mais