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Page:Voltaire - Traité sur la tolérance 1763.djvu/52

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Traité ſur la Tolérance. Chap. VI.

point de Religion ; il faut que tu ſois en horreur à tes voiſins, à ta Ville, à ta Province.

S’il était de droit humain de ſe conduire ainſi, il faudrait donc que le Japonois déteſtât le Chinois, qui aurait en exécration le Siamois ; celui-ci pourſuivrait les Gangarides, qui tomberaient ſur les Habitants de l’Indus ; un Mogol arracherait le cœur au premier Malabare qu’il trouverait ; le Malabare pourrait égorger le Perſan, qui pourrait maſſacrer le Turc ; & tous enſemble ſe jetteraient ſur les Chrétiens, qui ſe ſont ſi long-temps dévorés les uns les autres.

Le droit de l’Intolérance eſt donc abſurde & barbare ; c’eſt le droit des tigres ; & il eſt bien plus horrible : car les tigres ne déchirent que pour manger, & nous nous ſommes exterminés pour des paragraphes.


CHAPITRE VII.
Si l’Intolérance a été connue des Grecs.


LEs Peuples, dont l’Hiſtoire nous a donné quelques faibles connaiſſances, ont tous regardé leurs différentes Religions comme des nœuds qui les unifiaient tous enſemble ; c’était une aſſociation du Genre-humain. Il y avait une eſpèce de droit d’hoſpitalité entre les Dieux comme entre les hommes.