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Traité ſur la Tolérance. Chap. IX.

nerait un pareil attentat ? Le Chrétien qui déchira publiquement l’Édit de l’Empereur Dioclétien, & qui attira ſur ſes frères la grande perſécution, dans les deux dernières années du règne de ce Prince, n’avait pas un zèle ſelon la ſcience ; & il était bien malheureux d’être la cauſe du déſaſtre de ſon parti. Ce zèle inconſidéré qui éclata ſouvent, & qui fut même condamné par pluſieurs Pères de l’Egliſe, a été probablement la ſource de toutes les perſécutions.

Je ne compare point, ſans doute, les premiers Sacramentaires aux premiers Chrétiens ; je ne mets point l’erreur à côté de la vérité : mais Farel, prédéceſſeur de Jean Calvin, fit dans Arles la même choſe que St. Polyeucte avait fait en Arménie. On portait dans les rues la Statue de St. Antoine l’Hermite en proceſſion ; Farel tombe avec quelques-uns des ſiens ſur les Moines qui portaient St. Antoine, les bat, les diſperſe, & jette St. Antoine dans la rivière. Il méritait la mort qu’il ne reçut pas, parce qu’il eut le temps de s’enfuir. S’il s’était contenté de crier à ces Moines, qu’il ne croyait pas qu’un corbeau eût apporté la moitié d’un pain à St. Antoine l’Hermite, ni que St. Antoine eût eu des converſations avec des Centaures & des Satyres, il aurait mérité une forte réprimande, parce qu’il troublait l’ordre ; mais ſi le ſoir, après la proceſſion, il avait examiné paiſiblement