Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome11.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
37
DE LA SYRIE.

En un mot, en lisant toute histoire, soyons en garde contre toute fable.

xii. — De la Syrie.

Je vois, par tous les monuments qui nous restent, que la contrée qui s’étend depuis Alexandrette, ou Scanderon, jusqu’auprès de Bagdad, fut toujours nommée Syrie ; que l’alphabet de ces peuples fut toujours syriaque ; que c’est là que furent les anciennes villes de Zobah, de Balbek, de Damas ; et depuis, celles d’Antioche, de Séleucie, de Palmyre, Balk était si ancienne que les Perses prétendent que leur Bram, ou Abraham, était venu de Balk chez eux. Où pouvait donc être ce puissant empire d’Assyrie dont on a tant parlé, si ce n’est pas dans le pays des fables ?

Les Gaules, tantôt s’étendirent jusqu’au Rhin, tantôt furent plus resserrées ; mais qui jamais imagina de placer un vaste empire entre le Rhin et les Gaules ? Qu’on ait appelé les nations voisines de l’Euphrate assyriennes, quand elles se furent étendues vers Damas, et qu’on ait appelé Assyriens les peuples de Syrie, quand ils s’approchèrent de l’Euphrate : c’est là où se peut réduire la difficulté. Toutes les nations voisines se sont mêlées, toutes ont été en guerre et ont changé de limites. Mais lorsqu’une fois il s’est élevé des villes capitales, ces villes établissent une différence marquée entre deux nations. Ainsi les Babyloniens, ou vainqueurs ou vaincus, furent toujours différents des peuples de Syrie. Les anciens caractères de la langue syriaque ne furent point ceux des anciens Chaldéens.

Le culte, les superstitions, les lois bonnes ou mauvaises, les usages bizarres, ne furent point les mêmes. La déesse de Syrie, si ancienne, n’avait aucun rapport avec le culte des Chaldéens. Les mages chaldéens, babyloniens, persans, ne se firent jamais eunuques, comme les prêtres de la déesse de Syrie. Chose étrange ! les Syriens révéraient la figure de ce que nous appelons Priape, et les prêtres se dépouillaient de leur virilité !

Ce renoncement à la génération ne prouve-t-il pas une grande antiquité, une population considérable ? Il n’est pas possible qu’on eût voulu attenter ainsi contre la nature dans un pays où l’espèce aurait été rare.

Les prêtres de Cybèle, en Phrygie, se rendaient eunuques comme ceux de Syrie. Encore une fois, peut-on douter que ce ne fût l’effet de l’ancienne coutume de sacrifier aux dieux ce qu’on