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DES LIBERTÉS DE L’ÉGLISE GALLICANE.


Ce mot de libertés suppose l’assujettissement. Des libertés, des privilèges, sont des exemptions de la servitude générale. Il fallait dire les droits, et non les libertés de l’Église gallicane. Ces droits sont ceux de toutes les anciennes Églises. Les évêques de Rome n’ont jamais eu la moindre juridiction sur les sociétés chrétiennes de l’empire d’Orient ; mais dans les ruines de l’empire d’Occident tout fut envahi par eux. L’Église de France fut longtemps la seule qui disputa contre le siège de Rome les anciens droits que chaque évêque s’était donnés, lorsque, après le premier concile de Nicée, l’administration ecclésiastique et purement spirituelle se modela sur le gouvernement civil, et que chaque évêque eut son diocèse, comme chaque district impérial avait le sien.

Certainement aucun évangile n’a dit qu’un évêque de la ville de Rome pourrait envoyer en France des légats a latere[1] avec pouvoir de juger, réformer, dispenser, et lever de l’argent sur les peuples ;

D’ordonner aux prélats français de venir plaider à Rome ;

D’imposer des taxes sur les bénéfices du royaume, sous les noms de vacances, dépouilles, successions, déports, incompatibilités, commandes, neuvièmes, décimes, annales ;

D’excommunier les officiers du roi, pour les empêcher d’exercer les fonctions de leurs charges ;

De rendre les bâtards capables de succéder ;

De casser les testaments de ceux qui sont morts sans donner une partie de leurs biens à l’Église ;

De permettre aux ecclésiastiques français d’aliéner leurs biens immeubles ;

De déléguer des juges pour connaître de la légitimité des mariages.

Enfin l’on compte plus de soixante et dix usurpations contre lesquelles les parlements du royaume ont toujours maintenu la liberté naturelle de la nation et la dignité de la couronne.

Quelque crédit qu’aient eu les jésuites sous Louis XIV, et quelque frein que ce monarque eût mis aux remontrances des parlements depuis qu’il régna par lui-même, cependant aucun de ces grands corps ne perdit jamais une occasion de réprimer les pré-

  1. Voyez la note, tome XI, page 362.