Les désaveux de Voltaire lorsque parut l’Histoire du Parlement de Paris[1] ne convainquirent personne. Ils ne donnèrent que plus de prix à l’ouvrage, en excitant la curiosité. On paya jusqu’à six louis l’exemplaire. Les colporteurs pris en flagrant délit furent châtiés avec une sévérité extrême. D’autant plus chèrement on paya le livre. Ce succès même inquiéta Voltaire, au point qu’il jugea à propos de consulter le jurisconsulte Christin sur les poursuites auxquelles il pouvait être exposé.
Voltaire invoquait principalement pour sa justification l’impossibilité où il était de faire les recherches qu’avait nécessitées une telle œuvre. Il disait au censeur Marin (5 juillet 1769) : « Il y aurait de la folie à prétendre que j’ai pu m’instruire des formes judiciaires de France et rassembler un fatras énorme de dates, moi qui suis absent de France depuis plus de vingt années. » De même, à d’Argental (7 juillet) : « Quant à l’Histoire dont vous me parlez, il est impossible que j’en sois l’auteur ; elle ne peut être que d’un homme qui a fouillé deux ans de suite des archives poudreuses. » À d’Alembert (9 juillet) : « Il me paraît absurde de m’attribuer un ouvrage dans lequel il y a deux ou trois morceaux qui ne peuvent être tirés que d’un greffe poudreux où je n’ai assurément pas mis le pied ; mais la calomnie n’y regarde pas de si près. » À Thieriot (12 juillet) : « Il y a quelques anecdotes assez curieuses qui ne peuvent être tirées que du greffe du parlement même : il n’y a certainement qu’un homme du métier qui puisse être auteur de cet ouvrage. Il faut être enragé pour le mettre sur mon compte. » À l’abbé Morellet (14 juillet) : « Il y a dans cette Histoire des anecdotes dont, Dieu merci, je n’ai jamais entendu parler. »
Comme on le voit, c’était un mot d’ordre qu’il donnait.
Voltaire signalait ainsi deux anecdotes importantes qu’il a rapportées dans l’Histoire du Parlement (p. 541-542) et dans l’Essai sur les Mœurs (voyez t. XII, p. 537). Il s’agit d’un fait considérable, quoique bien rare :
- ↑ À M. de Chennevières (23 juillet 1769) : « Je n’existe aujourd’hui que pour être calomnié. On m’impute je ne sais quelle Histoire du Parlement dont les derniers chapitres sont un chef-d’œuvre d’erreurs, d’impertinences et de solécismes, » etc., etc. Voyez passim, dans la Correspondance.