Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome18.djvu/271

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
261
CONTRADICTIONS.

d’abord vingt ennemis ; et les Philistins, étonnés, tournèrent leurs armes les uns contre les autres. L’auteur du livre des Rois dit positivement[1] que ce fut comme un miracle de Dieu, accidit quasi miraculum a Deo. Il n’y a donc point là de contradiction.

Les ennemis de la religion chrétienne, les Celse, les Porphyre, les Julien, ont épuisé la sagacité de leur esprit sur cette matière. Des auteurs juifs se sont prévalus de tous les avantages que leur donnait la supériorité de leurs connaissances dans la langue hébraïque pour mettre au jour ces contradictions apparentes ; ils ont été suivis même par des chrétiens tels que milord Herbert, Wollaston, Tindal, Toland, Collins, Shaftesbury, Woolston, Gordon, Bolingbroke, et plusieurs auteurs de divers pays, Fréret, secrétaire perpétuel de l’Académie des belles-lettres de France, le savant Leclerc même, Simon de l’Oratoire, ont cru apercevoir quelques contradictions qu’on pouvait attribuer aux copistes. Une foule d’autres critiques ont voulu relever et réformer des contradictions qui leur ont paru inexplicables.

On lit dans un livre dangereux fait avec beaucoup d’art[2] : « Saint Matthieu et saint Luc donnent chacun une généalogie de Jésus-Christ dilférente ; et pour qu’on ne croie pas que ce sont de ces différences légères qu’on peut attribuer à méprise ou inadvertance, il est aisé de s’en convaincre par ses yeux en lisant Matthieu, au chap. i, et Luc, au chap. iii : on verra qu’il y a quinze générations de plus dans l’une que dans l’autre ; que depuis David elles se séparent absolument ; qu’elles se réunissent à Salathiel, mais qu’après son fils elles se séparent de nouveau, et ne se réunissent plus qu’à Joseph.

« Dans la même généalogie, saint Matthieu tombe encore dans une contradiction manifeste : car il dit qu’Osias était père de Jonathan, et dans les Paralipomènes, livre Ier, chap. iii, v. 11 et 12, on trouve trois générations entre eux, savoir : Joas, Amazias, Azarias, desquels Luc ne parle pas plus que Matthieu. De plus, cette généalogie ne fait rien à celle de Jésus, puisque, selon notre loi, Joseph n’avait eu aucun commerce avec Marie. »

Pour répondre à cette objection faite depuis le temps d’Ori-

  1. Chapitre xiv, v. 15. (Note de Voltaire.)
  2. Analyse de la religion chrétienne, page 22, attribuée à Saint-Évremond. (Id.)

    Analyse de la religion chrétienne fait partie d’un volume intitulé Recueil nécessaire, dont on croit que Voltaire fut l’éditeur ; mais je remarquerai que l’Analyse y est imprimée sous le nom de Dumarsais ; et ici Voltaire donne cet ouvrage à Saint-Évremond. L’Analyse de la religion chrétienne n’est peut-être ni de Dumarsais ni de Saint-Évremond. (B.)