Jésus n’a donné au pape ni la marche d’Ancône, ni le duché de Spolette ; et cependant le pape les possède de droit divin.
Jésus n’a point fait un sacrement du mariage ni du diaconat ; et chez nous le diaconat et le mariage sont des sacrements.
Si l’on veut bien y faire attention, la religion catholique, apostolique et romaine, est, dans toutes ses cérémonies et dans tous ses dogmes, l’opposé de la religion de Jésus.
Mais quoi ! faudra-t-il que nous judaïsions tous parce que Jésus a judaïsé toute sa vie ?
S’il était permis de raisonner conséquemment en fait de religion, il est clair que nous devrions tous nous faire juifs, puisque Jésus-Christ notre sauveur est né juif, a vécu juif, est mort juif, et qu’il a dit expressément qu’il accomplissait, qu’il remplissait la religion juive. Mais il est plus clair encore que nous devons nous tolérer mutuellement, parce que nous sommes tous faibles, inconséquents, sujets à la mutabilité, à l’erreur : un roseau couché par le vent dans la fange dira-t-il au roseau voisin couché dans un sens contraire : « Rampe à ma façon, misérable, ou je présenterai requête pour qu’on l’arrache et qu’on te brûle ? »
Mes amis, quand nous avons prêché la tolérance en prose, en vers, dans quelques chaires et dans toutes nos sociétés ; quand nous avons fait retentir ces véritables voix humaines[2] dans les orgues de nos églises, nous avons servi la nature, nous avons rétabli l’humanité dans ses droits ; et il n’y a pas aujourd’hui un ex-jésuite, ou un ex-janséniste, qui ose dire : Je suis intolérant.
Il y aura toujours des barbares et des fourbes qui fomenteront l’intolérance ; mais ils ne l’avoueront pas ; et c’est avoir gagné beaucoup.
Souvenons-nous toujours, mes amis, répétons (car il faut répéter de peur qu’on n’oublie), répétons[3] les paroles de l’évêque de Soissons, non pas Languet, mais Fitzjames-Stuart, dans son mandement de 1757 : « Nous devons regarder les Turcs comme nos frères. »
Songeons que dans toute l’Amérique anglaise, ce qui fait à
- ↑ Section ire dans les Questions sur l’Encyclopédie, neuvième partie, 1772. (B.)
- ↑ Il y a un jeu d’orgues qu’on appelle voix humaines, et qui se combine avec les jeux de flûtes. (Note de Voltaire.)
- ↑ Voyez le chapitre ii du Siècle de Louis XIV, et dans les Mélanges, année 1761, le Sermon du rabin Akib ; et année 1768, le Sermon de Josias Rossette. (B.)