J’écris rarement, parce que je suis agriculteur. Vous ne vous doutez pas de ce métier-là ; c’est pourtant celui de nos premiers pères. J’ai toujours été accablé d’occupations assez frivoles qui engloutissaient tous mes moments ; mais les plus agréables sont ceux où je reçois de vos nouvelles, et où je peux vous dire combien votre âme plaît à la mienne, et à quel point je vous regrette. Ma santé devient tous les jours plus mauvaise. Tout le monde n’est pas comme Fontenelle. Allons, madame, courage, traînons notre lien jusqu’au bout.
Soyez bien persuadée du véritable intérêt que mon cœur prend à vous, et de mon très-tendre respect.
P. S. Je suis très-aise que rien ne soit changé pour les personnes auxquelles vous vous intéressez. Voilà un conseiller du parlement[1] surintendant des finances ; il n’y en avait point d’exemple. Les finances vont être gouvernées en forme. L’État, qui a été aussi malade que vous et moi, reprendra sa santé.
Vous me mandez, monsieur, que vous imprimez mes Romans, et je vous réponds que si j’ai fait des Romans j’en demande pardon à Dieu ; mais tout au moins je n’y ai jamais mis mon nom, pas plus qu’à mes autres sottises. On n’a jamais, Dieu merci, rien vu de moi contre-signé et parafé Cortiat, secrétaire, etc. Vous me dites que vous ornerez votre édition de culs-de-lampe : remerciez Dieu, monsieur, de ce qu’Antoine Vadé n’est plus au monde ; il vous appellerait Welche sans difficulté, et vous prouverait qu’un ornement, un fleuron, un petit cartouche, une petite vignette ne ressemble ni à un cul ni à une lampe.
Vous me proposez la paix avec maître Aliboron, dit Fréron ; et vous me dites que c’est vous qui voulez bien lui faire sa litière. Vous ajoutez qu’il m’a toujours estimé, et qu’il m’a toujours outragé. Vraiment voilà un bon petit caractère ; c’est-à-dire que
- ↑ Clément-Charles-François de Laverdy, né vers 1730, fut nommé contrôleur général des finances le 12 décembre 1763. Laverdy se retira en 1768, et est mort sur l’échafaud révolutionnaire en 1794.
- ↑ On peut regarder cette lettre comme une facétie : nous l’avons déjà donnée tome XXV, page 255 ; il le fallait. Nous la répétons ici, pour la commodité du lecteur. C’est une réponse au morceau imprimé tome XXV, page 254, et que Voltaire (dans sa lettre à Damilaville, du 20 juillet 1764) dit n’être qu’un fragment.