Page:Voltaire - Œuvres complètes Garnier tome8.djvu/117

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Son rival, chaque jour, soigneux de lui déplaire[1],
Dédaigneux ennemi, méprisait sa colère.
Ne soupçonnant pas même, en ce prince irrité,
Pour un assassinat assez de fermeté.
Son destin l’aveuglait, son heure était venue :
Le roi le fit lui-même immoler à sa vue.
De cent coups de poignard indignement percé[2],
Son orgueil, en mourant, ne fut point abaissé ;
Et ce front, que Valois craignait encor peut-être,
Tout pâle et tout sanglant semblait braver son maître.
C’est ainsi que mourut ce sujet tout-puissant,
De vices, de vertus assemblage éclatant.
Le roi, dont il ravit l’autorité suprême,

  1. Racine a dit dans Mithridate, acte II, scène III :
    Un rival dès longtemps soigneux de lui déplaire.
  2. Le duc de Guise fut tué le vendredi 23 décembre 1588, à huit heures du matin. Les historiens disent qu’il lui prit une faiblesse dans l’antichambre du roi, parce qu’il avait passé la nuit avec une femme de la cour : c’était Mme de Noirmoutier, selon la tradition. Tous ceux qui ont écrit la relation de cette mort disent que ce prince, dès qu’il fut entré dans la chambre du conseil, commença à soupçonner son malheur par les mouvements qu’il aperçut. D’Aubigné rapporte qu’il rencontra d’abord dans cette chambre d’Espinac, archevêque de Lyon, son confident. Celui-ci, qui en même temps se douta de quelque chose, lui dit en présence de Larchant, capitaine des gardes, à propos d’un habit neuf que le duc portait : « Cet habit est bien loger, au temps qui court; vous en auriez dû prendre un plus fourré. » Ces paroles, prononcées avec un air de crainte, confirmèrent celles du duc. Il entra cependant par une petite allée dans la chambre du roi, qui conduisait à un cabinet dont le roi avait fait condamner la porte. Le duc, ignorant que la porte fut murée, lève, pour entrer, la tapisserie qui la couvrait : dans le moment, plusieurs de ces Gascons qu’on nommait les Quarante-cinq le percent avec des poignards que le roi leur avait distribués lui-même.

    Les assassins étaient La Bastide, Mousivry, Saint-Malin, Saint-Gaudin, Saint-Capautel, Halfrenas, Herbelade, avec Lognac, leur capitaine. Monsivry fut celui qui donna le premier coup ; il fut suivi de Lognac, de La Bastide, de Saint-Malin, etc., qui se jetèrent en même temps sur le duc.

    On montre encore dans le château de Blois une pierre de la muraille contre laquelle il s’appuya en tombant, et qui fut la première teinte de son sang. Quelques Lorrains, en passant par Blois, ont baisé cette pierre ; et, la raclant avec un couteau, en ont emporté précieusement la poussière.

    On ne parle point, dans le poëme, de la mort du cardinal de Guise, qui fut aussi tué à Blois; il est aisé d’en voir la raison : c’est que le détail de l’histoire ne convient point à l’unité du poëme, parce que l’intérêt diminue à mesure qu’il se partage.

    C’est par cette raison que l’on n’a point parlé du prince de Condé dans la bataille de Coutras, afin de n’arrêter les yeux du lecteur que sur Henri IV. (Note de Voltaire, 1723.)

    — Je rétablis le dernier alinéa de cette note tel qu’il se trouve dans les seules éditions de 1723 et 1724. (B.)