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dialogues philosophiques


LE MANDARIN. — Pourquoi voulez-vous donc le leur apprendre ?


LE JÉSUITE. — C’est qu’il est nécessaire aujourd’hui à tous les hommes de le savoir.


LE MANDARIN. — S’il est nécessaire à tous les hommes de le savoir, pourquoi les Chinois l’ont-ils toujours ignoré ? pourquoi l’avez-vous ignoré vous-mêmes si longtemps ? pourquoi n’en a-t-on jamais rien su dans toute la Grande-Tartarie, dans l’Inde et au Japon ? Ce qui est nécessaire à tous les hommes ne leur est-il pas donné à tous ? n’ont-ils pas tous les mêmes sens, le même instinct d’amour-propre, le même instinct de bienveillance, le même instinct qui les fait vivre en société ? Comment se pourrait-il faire que l’Être suprême, qui nous a donné tout ce qui nous est convenable, nous eût refusé la seule chose essentielle ? N’est-ce pas une impiété de le croire ?


LE JÉSUITE. — C’est qu’il n’a fait ce présent qu’à ses favoris.


LE MANDARIN. — Vous êtes donc son favori ?


LE JÉSUITE. — Je m’en flatte.


LE MANDARIN. — Pour moi, je suis simplement son adorateur. Je vous renvoie à tous les peuples et à toutes les sectes de votre Europe, qui croient