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dialogues philosophiques

frère ; mais il fréquente une certaine pagode, il récite certaines formules dans une langue étrangère, il porte une certaine image sur sa poitrine ; mille vieilles s’écrient : Le bon homme ! le saint homme !

Un juste avoue franchement qu’on peut adorer Dieu sans faire ce pèlerinage, sans réciter cette formule ; mille vieilles s’écrient : Au monstre ! au scélérat !

19o Voici le comble de l’abomination ; voici ce qui fait sécher d’horreur et gémir d’être homme. Un chef des pagodes, assassin, empoisonneur public, a peuplé l’Inde de ses bâtards, et a vécu tranquille et respecté ; il a donné des lois aux princes. Un juste a dit : Gardez-vous d’imiter ce chef des pagodes ; gardez-vous de croire les métamorphoses qu’il enseigne ; et ce juste a été brûlé à petit feu sur la place publique.

20o Ô vous ! fanatiques actifs, qui depuis longtemps troublez la terre par vos querelles raisonnées ; et vous, fanatiques passifs, qui, sans raisonner, avez été mordus de ces enragés et qui êtes malades de la même rage, tâchez de guérir si vous pouvez ; essayez de cette recette que voici : Adorez Dieu sans vouloir le comprendre ; aimez-le sans vous plaindre des maux qui sont mêlés sur la terre avec les biens ; regardez comme vos frères le Japonais, le Siamois, l’Indien, l’Africain, le Persan, le Turc, le Russe, et même les habitants du petit pays de l’occident méridional de l’Europe qui tient si peu de place sur la carte.