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dialogues philosophiques

une ânesse qui parle à un prophète idolâtre, et ce prophète, venu pour nous maudire, nous bénissant malgré lui ; nous vous ferions voir un Moïse surpassant en prodiges tous les sorciers d’un roi d’Égypte, remplissant tout un pays de grenouilles et de poux, conduisant deux ou trois millions de Juifs à pied sec à travers la mer Rouge, à l’exemple de l’ancien Bacchus ; je vous montrerais un Josué, qui fait tomber une pluie de pierres sur les habitants d’un village ennemi, à onze heures du matin, et arrêtant le soleil et la lune à midi, pour avoir le temps de tuer mieux ses ennemis qui étaient déjà morts. Vous m’avouerez, sacrée majesté, que les deux mille cochons dans lesquels Jésus envoie le diable sont bien peu de chose devant le soleil et la lune de Josué, et devant la mer Rouge de Moïse ; mais je ne veux point insister sur nos anciens prodiges ; je veux imiter la sagesse de notre historien Flavien Josèphe, qui, en rapportant ces miracles tels qu’ils sont écrits par nos prêtres, laisse au lecteur la liberté de s’en moquer.

« Je viens à la différence qui est entre nous et les sectaires chrétiens.

« Votre sacrée Majesté saura que de tout temps il s’est élevé en Égypte et en Syrie des enthousiastes qui, sans être légalement autorisés, se sont avisés de parler au nom de la Divinité : nous en avons eu beaucoup parmi nous, surtout dans nos calamités ; mais assurément aucun d’eux n’a prédit ni pu prédire un homme tel que Jésus. Si, par impossible, ils