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dialogues philosophiques

auteurs païens, qui me firent une grande impression ; je vous avouerai même que les lois de Zaleucus, de Charondas, les conseils de Confucius, les commandements moraux de Zoroastre, les maximes de Pythagore, me parurent dictées par la sagesse pour le bonheur du genre humain : il me semblait que Dieu avait daigné honorer ces grands hommes d’une lumière plus pure que celle des hommes ordinaires, comme il donna plus d’harmonie à Virgile, plus d’éloquence à Cicéron, et plus de sagacité à Archimède, qu’à leurs contemporains. J’étais frappé de ces grandes leçons de vertu que l’antiquité nous a laissées. Mais enfin tous ces gens-là ne connaissaient pas la théologie ; ils ne savaient pas quelle est la différence entre un chérubin et un séraphin, entre la grâce efficace à laquelle on ne peut résister et la grâce suffisante qui ne suffit pas ; ils ignoraient que Dieu était mort, et qu’ayant été crucifié pour tous, il n’avait pourtant été crucifié que pour quelques-uns. Ah ! monsieur le comte, si les Scipion, les Cicéron, les Caton, les Épictète, les Antonin, avaient su que « le Père a engendré le Fils, et qu’il ne l’a pas fait ; que l’Esprit n’a été ni engendré ni fait, mais qu’il procède par spiration tantôt du Père et tantôt du Fils ; que le Fils a tout ce qui appartient au Père, mais qu’il n’a pas la paternité ; » si, dis-je, les anciens, nos maîtres en tout, avaient pu connaître cent vérités de cette clarté et de cette force ; enfin, s’ils avaient été théologiens, quels avantages n’auraient-ils pas procurés aux hommes ! La consubstantialité