et pour faire le commerce des pensées des hommes ? L’empire romain en a-t-il été moins puissant parce que Tullius Cicero a écrit avec liberté ?
MÉDROSO. — Quel est ce Tullius Cicero ? Jamais
je n’ai entendu prononcer ce nom-là à la Sainte-Hermandad.
BOLDMIND. — C’était un bachelier de l’université
de Rome, qui écrivait ce qu’il pensait, ainsi
que Julius César, Marcus Aurelius, Titus Lucretius
Carus, Plinius, Seneca, et autres docteurs.
MÉDROSO. — Je ne les connais point ; mais on
m’a dit que la religion catholique, basque et romaine
est perdue, si on se met à penser.
BOLDMIND. — Ce n’est pas à vous à le croire ;
car vous êtes sûr que votre religion est divine, et
que les portes d’enfer ne peuvent prévaloir contre
elle. Si cela est, rien ne pourra jamais la détruire.
MÉDROSO. — Non, mais on peut la réduire à peu
de chose ; et c’est pour avoir pensé, que la Suède,
le Danemark, toute votre île, la moitié de l’Allemagne,
gémissent dans le malheur épouvantable
de n’être plus sujets du pape. On dit même que si les
hommes continuent à suivre leurs fausses lumières,
ils s’en tiendront bientôt à l’adoration simple de
Dieu et à la vertu. Si les portes de l’enfer prévalent