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dialogues philosophiques


LA COMTESSE. — Ma foi, mon cher abbé, je ne vous conseille pas non plus de parler des miracles de Jésus. Le créateur de l’univers se serait-il fait Juif pour changer l’eau en vin à des noces où tout le monde était déjà ivre ? aurait-il été emporté par le diable sur une montagne d’où l’on voit tous les royaumes de la terre ? aurait-il envoyé le diable, dans le corps de deux mille cochons dans un pays où il n’y avait point de cochons ? aurait-il séché un figuier pour n’avoir pas porté de figues, « quand ce n’était pas le temps des figues » ? Croyez-moi, ces miracles sont tout aussi ridicules que ceux de Moïse. Convenez hautement de ce que vous pensez au fond du cœur.


L’ABBÉ. — Madame, un peu de condescendance pour ma robe, s’il vous plaît ; laissez-moi faire mon métier ; je suis un peu battu peut-être sur les prophéties et sur les miracles ; mais pour les martyrs, il est certain qu’il y en a eu ; et Pascal, le patriarche de Port-Royal des Champs, a dit : « Je crois volontiers les histoires dont les témoins se font égorger. »


M. FRÉRET. — Ah ! monsieur, que de mauvaise foi et d’ignorance dans Pascal ! on croirait, à l’entendre, qu’il a vu les interrogatoires des apôtres, et qu’il a été témoin de leur supplice. Mais où a-t-il vu qu’ils aient été suppliciés ? Qui lui a dit que Simon Barjone, surnommé Pierre, a été crucifié à Rome, la