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dialogues philosophiques

par la plus vile canaille, laquelle seule embrassa le christianisme pendant cent années.

C’est une suite non interrompue de faussaires. Ils forgent des lettres de Jésus-Christ, ils forgent des lettres de Pilate, des lettres de Sénèque, des constitutions apostoliques, des vers des sibylles en acrostiches, des Évangiles au nombre de plus de quarante, des actes de Barnabé, des liturgies de Pierre, de Jacques, de Matthieu et de Marc, etc., etc., etc. Vous le savez, monsieur, vous les avez lues, sans doute, ces archives infâmes du mensonge, que vous appelez fraudes pieuses ; et vous n’aurez pas l’honnêteté de convenir, au moins devant vos amis, que le trône du pape n’a été établi que sur d’abominables chimères, pour le malheur du genre humain ?


L’ABBÉ. — Mais comment la religion chrétienne aurait-elle pu s’élever si haut, si elle n’avait eu pour base que le fanatisme et le mensonge ?


LE COMTE. — Et comment le mahométisme s’est-il élevé encore plus haut ? Du moins ses mensonges ont été plus nobles, et son fanatisme plus généreux. Du moins Mahomet a écrit et combattu ; et Jésus n’a su ni écrire ni se défendre. Mahomet avait le courage d’Alexandre avec l’esprit de Numa ; et votre Jésus a sué sang et eau dès qu’il a été condamné par ses juges. Le mahométisme n’a jamais changé, et vous autres vous avez changé vingt fois toute votre religion. Il y a plus de différence entre ce qu’elle est