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dialogues philosophiques

qu’il vous ôte une taie de vos yeux. Nous gémissons sous le poids de cent livres de chaînes, permettez qu’on nous délivre des trois quarts. Le mot de chrétien a prévalu, il restera ; mais peu à peu on adorera Dieu sans mélange, sans lui donner ni une mère, ni un fils, ni un père putatif, sans lui dire qu’il est mort par un supplice infâme, sans croire qu’on fasse des dieux avec de la farine, enfin sans cet amas de superstitions qui mettent des peuples policés si au-dessous des sauvages. L’adoration pure de l’Être suprême commence à être aujourd’hui la religion de tous les honnêtes gens ; et bientôt elle descendra dans une partie saine du peuple même.


L’ABBÉ. — Ne craignez-vous point que l’incrédulité (dont je vois les immenses progrès) ne soit funeste au peuple en descendant jusqu’à lui, et ne le conduise au crime ? Les hommes sont assujettis à de cruelles passions et à d’horribles malheurs ; il leur faut un frein qui les retienne, et une erreur qui les console.


M. FRÉRET. — Le culte raisonnable d’un Dieu juste, qui punit et qui récompense, ferait sans doute le bonheur de la société ; mais quand cette connaissance salutaire d’un Dieu juste est défigurée par des mensonges absurdes et par des superstitions dangereuses, alors le remède se tourne en poison, et ce qui devrait effrayer le crime l’encourage. Un méchant qui ne raisonne qu’à demi (et il y en a