Aller au contenu

Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tion qui accueillait Van Dyck tout moite encore d’avoir magnifiquement chanté et qui, un sourire sur sa figure de poupard intelligent, saluait à droite et à gauche en traversant la salle.

…Comment peut-on, six mois durant, oublier toutes les choses, puis oublier ces six mois-là de telle sorte qu’en les regardant de loin, un soir de grand débat intérieur, on n’y reconnaisse plus sa propre image ? Ce travail de la vie, qui fait de nous mille êtres successifs, différents, incompréhensibles l’un pour l’autre, la stupéfiait. Rien de ce temps-là ne subsistait plus. Quel jour, à quel propos, l’enchantement s’était-il rompu ? Elle ne savait pas. D’une façon confuse elle se voyait pourtant, rentrée à Paris, si malade pendant sa grossesse, refusant de laisser André l’approcher parce qu’elle se croyait devenue laide. Il y avait du trouble aussi sur la mémoire des grands accidents nerveux qui, après la naissance de son enfant, la condamnaient aux longs repos. Elle ployait sous la moindre fatigue et n’avait plus de force que pour sa passion maternelle. C’était ainsi, elle l’apercevait maintenant, qu’avait commencé leur séparation. Lorsque André venait dans sa chambre pour quelques instants et racontait les incidents de la veille ou des potins, elle l’écoutait à peine, uniquement préoccupée de lui dire les progrès que faisait le bébé. Elle était presque contente qu’il s’en allât, la laissant seule avec ce petit. Sa débilité physique la détournait de l’amour, et son être sentimental agissait loin d’André. Il aurait dû se plaindre, être jaloux, impatient. Mais non, il montrait la même humeur égale. Pourtant, il n’avait pas comme elle, pour expliquer son indiffé-