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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/104

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Deux ans avaient passé sur son deuil lorsqu’elle se trouvait l’envie de retourner dans le monde. Elle s’apercevait alors qu’elle n’était plus la même, se sentait distante de tous ces gens demeurés à leur place et dans leur forme ; son cœur enseigné par la douleur avait des exigences nouvelles. Les amusettes ne lui cachaient plus le vide de ses heures. Elle avait tenté de se rapprocher d’André, de restituer les habitudes anciennes, de refaire l’intimité. Mais il s’était montré surpris, comme d’un inélégant désir d’entraver sa liberté, de la prière qu’elle lui avait faite de vivre un peu moins hors de chez lui. Elle n’était pas assez certaine de ce qu’elle voulait pour insister, et elle avait accepté, comme une manifestation inéluctable du mauvais arrangement de toutes les circonstances, qu’ils fussent désaccoutumés l’un de l’autre.

Un soir, en dînant tête à tête avec elle, il avait parlé de Constantinople, rappelé des incidents de leur voyage de noces. Ces évocations les avaient troublés ; et comme il s’attardait au salon avant de partir pour l’Opéra, tout à coup, obéissant à un geste de tendresse elle s’était donnée, rapidement, au milieu d’une causerie gaie.

Cette scène avait imposé son style à leurs habitudes amoureuses. Lorsque dans le monde elle avait été particulièrement jolie et admirée, André rentrait avec elle au lieu d’aller au cercle. Les jours suivants, ils étaient plus affectueux l’un pour l’autre, puis chacun retournait à sa préoccupation du moment. C’était loin de son mari qu’elle cherchait de quoi satisfaire l’appétit d’émotion qui l’emplissait d’inquiétude. Que de livres lus avec des doigts pressés de tourner la