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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/119

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serait point aisé de s’entendre. Elle s’irritait de mal voir son but, et les ténèbres où elle marchait lui parurent une matérialisation des difficultés de sa recherche.

— Répondez franchement aux questions que je vais vous poser, reprit-elle avec un peu d’effort.

— Oui, bon juge.

— Ai-je tort de croire que vous êtes un passionné ?

— Vous avez raison de croire que je vous aime passionnément.

— Mais je ne le crois pas ! Si vous m’aimiez passionnément, il n’y aurait de place dans ma vie que pour vous, et vous me laissez le moyen de m’intéresser à mille choses où vous n’êtes pour rien. Vous ne savez pas ce que je fais de mes journées, j’ignore ce que vous faites des vôtres. Et quant à nos pensées… Expliquez-moi ce que veulent dire vos silences !

— Je suppose qu’ils commentent les paroles qui les ont précédés !

– Mais quand aucune parole n’a été dite ? Tenez, un exemple : l’autre jour, après le dernier acte de Siegfried, je vous ai vu une expression extraordinaire, — poignante, presque désespérée, vous aviez la figure qu’on a lorsqu’on est penché sur du vide avec du vertige plein la tête… En quelques secondes, vous avez eu l’air d’un homme qui va se précipiter dans un danger, puis d’un malade qui retient à peine des cris de douleur. À ce moment-là, dites, que signifiait votre silence ?

— Diable ! diable ! diable ! Vous êtes bien sûre que j’ai eu tant d’airs que ça ?… Pour dire la vérité, je ne sais plus très bien à quoi je pensais en sortant de