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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/132

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banal, mais vous n’êtes probablement pas accoutumée à y songer ?

— Non… Avant de retrouver Léonora et… de vous connaître, j’étais dans une grande indifférence à ce sujet. Même, j’étais détournée de la charité par ceux à qui j’en voyais faire profession. Ils s’en autorisent volontiers pour avoir le cœur plus aride que les plus égoïstes cyniques.

— La charité de ceux-là est le pire des gestes pharisaïques. Ils prétendent à la reconnaissance, ils veulent moraliser. Tout cela ne vaut rien. Avant de conseiller, il importerait que l’on se représentât les conditions morales et physiques de qui on conseille. Tout à l’heure vous avez dit : « Marchons, il fait froid. » Le froid vous est pénible ; il vous paraît que la délicatesse de votre organisme, votre accoutumance au confort vous y rendent plus susceptible que le voyou qui, à son ordinaire, couche sous les ponts ! Vous ne vous trompez pas : il a, pour apprécier le froid, une sensibilité plus rude que la vôtre. Pourtant, si vous voulez le soulager, vous ne devez pas vous dire que cette souffrance qui, en se prolongeant vous torturerait, vous tuerait, n’est pour lui qu’une gêne, et qu’une petite dépense suffirait à la lui rendre tolérable… Ce qu’il importe d’atteindre et de guérir en lui, c’est la dépression, l’irritation nerveuse, la diminution d’activité vitale que le froid incessant crée dans l’organisme profond. C’est le dépôt laissé par la répétition de ce malaise. C’est enfin l’âme de froid des miséreux qu’il faut réchauffer et non leur froid actuel… Me comprenez-vous ?

— Oui ! Oh ! oui !