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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/136

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Et son visage blanc, ses yeux, sa bouche sinueuse prirent une ardente douceur.

Erik la regarda un instant, puis d’un ton froid dit :

– Le désir d’aimer serait d’une âme plus noble.

— Léo pense cela aussi. Et je commence à le croire, mais ça fait mal… Faut-il nécessairement souffrir ?

— C’est mieux : la douleur concentre la dignité ; la joie l’éparpille.

— La joie ?… Mais le bonheur ?

— Il faudrait savoir quelle idée vous vous en faites.

— Ne serait-ce pas : vivre hors de soi, dans un être dont on sait qu’il vous appartient tout entier ?

– Ah ! oui, la passion ! C’est un moyen élégant de tuer le temps pendant quelques années. Cela ne saurait être un but pour la durée de l’existence. Mais, si tel est votre concept du bonheur, de quoi souffrez-vous ? On ne peut admettre que celui qui est aimé de vous ne vous aime pas !

– Il y a de la souffrance à être mal aimée ! N’est-ce rien que de ne pouvoir pénétrer dans une pensée ?

– Pardonnez-moi l’insolence de ma question. C’est bien de monsieur des Moustiers que vous parlez ?

– Oui, mais je mérite que vous me demandiez cela. Car… en de mauvaises heures j’ai presque tenté d’aimer d’autres hommes que lui.

– Ah !… Et vous vous êtes arrêtée en chemin ?… Pourquoi ?

Jacqueline s’étonna de n’être choquée ni de cette interrogation ni même du ton dont elle avait été faite.

Elle répondit, très simplement, comme si Erik avait le droit d’attendre d’elle qu’elle s’expliquât :