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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/161

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jouissons de l’admirable ministère que vous représentez si brillamment ici, à vous dire que je ne crois pas qu’en aucun temps aucun peuple ait choisi son gouvernement. Et, s’il s’agit du nôtre, il faut bien se rendre compte qu’un bon tiers de la nation voudrait le renverser, qu’un autre tiers le souhaiterait également, si la peur des révolutions n’était si vive dans ce pays révolutionnaire, et que le dernier tiers, enfin, obéit à ses seuls intérêts en désirant que les choses restent comme elles sont, et verrait le régime changer sans horreur, pourvu que les mêmes avantages lui fussent assurés par un autre.

— Alors, qui donc est républicain dans notre république ? demanda le ministre en souriant avec bénévolence, pour témoigner que la souplesse et la portée de son esprit lui permettaient de tout entendre.

— Mais… le chef de l’État, naturellement, les ministres et aussi les ministrables, et encore ceux qui peuvent devenir ministrables avec le temps… C’est plus qu’assez pour sauver la République. D’ailleurs, elle n’a rien à craindre de ceux qui l’attaquent.

— Et pourquoi donc ? s’écria M. d’Audichamp.

— Pourquoi, cher monsieur ? à cause de ces incomparables truffes que je mange et de la beauté de ces orchidées. À cause aussi de la possibilité où nous sommes d’invectiver contre le régime sans courir le risque de la vie ou de la liberté, même en présence de monsieur le ministre des affaires étrangères qui est trop spirituel pour s’en fâcher. La République n’est pas en danger, parce que ceux qui lui veulent sincèrement du mal sont trop à l’aise dans leurs belles maisons. Ce n’est pas de haut en bas que se font les