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Page:Vontade - La Lueur sur la cime.pdf/202

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vous jure d’attendre que vous m’aimiez, – si vous devez m’aimer ! — jusqu’à la mort… Aucune femme ne touchera plus les lèvres qui ont touché les vôtres… Quand la trahison de votre mari ne vous torturera plus, si vous croyez encore que je puisse être digne de vous, appelez-moi ! Ma tendresse demeurera semblable malgré le temps, l’absence… même si vous m’oubliez. Eussiez-vous perdu votre beauté, votre jeunesse fût-elle fanée, je vous aimerai toujours, car ce que j’adore en vous, c’est la miraculeuse âme d’amour que j’ai devinée et qui dort encore… C’est elle que je veux, et que je perdrais si, en ce moment… Tenez ! Je vous aime comme j’aime l’humanité douloureuse, avec une violence folle, une immense pitié, un respect agenouillé. J’irai vers l’espoir de vous comme je marche vers l’espoir d’elle avec les yeux éperdus d’une térébrante lueur, qui vient de là-bas… tout au bout du chemin du sacrifice… Comprenez-vous ? Comprenez-vous ? Ceux de ma race vivent plus d’idéal que de pain… Non, non, je ne troublerai pas mon beau rêve pour un moment de bonheur, si vaste qu’il doive être… Et si je vous perds, ce ne sera pas au moins pour avoir été bassement égoïste… Dieu ! Sentez-vous combien il faut que je vous aime !

Droite, immobile, les bras tombés en abandon le long d’elle, Jacqueline avait écouté, gagnée par l’exaltation croissante qui entrecoupait la parole d’Erik, faisait éclater puis amortissait sa voix et lui emplissait le regard d’une démence de martyr, saoul du plaisir de sa souffrance. Il se trompait, le pauvre Erik ; elle l’aimait, avec tous ses sommets, et tous ses foyers ; la volonté voluptueuse virait en pathétisme